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31.10.2022

« Jerk » le film, sortie en salle, DVD et VOD

Sortie en salle, DVD et VOD — 08 avril 2022

Un film de Gisèle Vienne, d’après une pièce de Gisèle Vienne, avec Jonathan Capdevielle, d’après un texte de Dennis Cooper. Texas, années 70. Le serial killer Dean Corll tue une vingtaine de garçons et réalise à partir de ces meurtres des snuff movies ultraviolents avec l’aide de deux adolescents, David Brooks et Wayne Henley.

Désormais condamné à perpétuité, David Brooks, devenu ventriloque et marionnettiste, nous raconte son histoire depuis sa prison où il a imaginé un spectacle. À partir de la nouvelle de Dennis Cooper inspirée de faits réels, une expérience viscérale de la violence et celle du regard, sont poussées à l’extrême.

Dans la lignée du film de genre et d’horreur, Jerk explore les mécanismes de la violence à travers des questions liées aux rapports de dominations, d’incarnation et de désincarnation des corps, cette violence qui peut commencer par le regard.

“Jonathan Capdevielle, redoutable roi des métamorphoses“
Libération

Le comédien Jonathan Capdevielle, collaborateur de Gisèle Vienne depuis ses premières mises en scène, est assis seul sur scène, l’air à la fois satisfait et mal à l’aise comme l’ado américain qu’il joue, David Brooks. Avec un petit sourire excité, ce personnage dérangé et inquiétant nous raconte de sa prison la vingtaine de meurtres et viols qu’il a commis sur des garçons de son âge dans les années 1970 au Texas, en compagnie de ses amis Dean et Wayne. David fait parler ceux-ci à travers ses effrayantes marionnettes, un panda ensanglanté, et une peluche de chiot décrépie. Les victimes, elles, sont représentées par des marionnettes d’ados éthérés à la Gus Van Sant, visages désincarnés et voix fantomatiques en plus- Vienne s’est formée à l’Ecole nationale supérieure des arts de la marionnette de Charleville-Mézières, et il y en a des bien creepy qu’elle sculpte elle-même dans beaucoup de ses spectacles.

Légende 6
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Légende 6

À partir de ce dispositif scénique minimaliste, Gisèle Vienne invente une cinématographie qui va redoubler ce spectacle cauchemardesque d’une puissante réflexion sur la représentation. Jouant des possibilités du cadre via un seul long plan-séquence bizarrement caressant, presque voluptueux, et donc encore plus troublant, la cinéaste isole par exemple le visage de Capdevielle. Les marionnettes qu’il anime hors champ (on n’ose pas imaginer ce qu’il s’y passe) se livrent alors aux pires monstruosités nécrophiles. Le comédien se fragmente littéralement : on lit sa propre peur, l’euphorie perverse de son personnage, pendant que sa bouche baveuse de ventriloque se trouve déformée par les cris des victimes.

À travers cette dislocation de Capdevielle qui suit celle des meurtres, Vienne interroge son travail de mise en scène de la violence depuis ses débuts. À quel point un comédien et une metteuse en scène se projettent-il dans un personnage qui débite autant d’horreurs ? Comment les atrocités que celui-ci raconte les suivent-elles hors de la scène ? À quelle distance des personnages doivent-ils se placer pour ne pas être impactés ? En résumé, de quelle façon l’artiste peut se laisser hanter par sa propre création ? Ces problématiques méta bousculent tout autant le spectateur que le contenu horrifique auquel il est soumis. Si bien que dans les genres du backstage movie et du film d’horreur, Jerk se distingue déjà comme l’un des films les plus glaçants, inventifs et marquants de ces dernières années.